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Velja Blog

Blog Magazine sur les trucs vus, lus et entendus par l'auteur.

Leave no trace

Leave no trace

Ce film attachant est adapté de L’Abandon, roman de Peter Rock (éditions Points, 2012), lui-même tiré d’un fait divers. Une fille et son père avaient été découverts par les autorités alors qu’ils se cachaient depuis quatre ans dans un parc naturel qui bordait une banlieue. Le projet cinématographique a été proposé à Debra Granik et sa coscénariste Anne Rosellini. Il n’est pas surprenant que la cinéaste ait accepté l’aventure, tant on retrouve l’univers de Winter’s Bone, son film le plus célèbre, qui relatait la lente et intrigante quête initiatique d’une jeune fille au cœur d’une forêt isolée. Si la lecture du synopsis évoque le surprenant Captain Fantastic de Matt Ross, le ton adopté par Granik est moins décalé, la cinéaste refusant tout ornement fantaisiste et jouant la carte de la noirceur, sans toutefois s’enfoncer dans un naturalisme glauque. Et plus qu’une réflexion sur la cellule familiale et les contrastes entre des modes de socialisation en conflit, le récit se concentre sur un rapport père/fille, fusionnel et extrême, jusqu’au contact avec la société qui distillera le doute chez une jeune fille en phase de construction.

La réalisatrice se garde bien de tout manichéisme, évitant d’opposer « nature » et « civilisation », tradition et modernité. Si l’intrusion des policiers et le paternalisme d’une assistante sociale souhaitant « prendre en charge » Tom et son père révèlent les excès d’une société normative refusant toute atteinte au conformisme, le regard porté sur leurs pairs est bien plus nuancé : le jeune ado éleveur de lapins avec lequel Tom ébauche une amitié, ou la propriétaire de mobile homes (l’excellente Dale Dickey) qui héberge un temps Will et sa fille témoignent d’une bienveillance et semblent emblématiques d’une ligne médiane entre la misanthropie du père et la rigidité de tout un pan de la société américaine. « Il y a toujours eu, et il y aura toujours des conteurs d’histoire qui se demandent ce qu’il se passe à la marge […] C’est parfois vu comme non conventionnel, de ne pas avoir de violence ou de sexe dans un film. Mais beaucoup de personnes à la marge vivent avec des questions plus fondamentales, où vivre par exemple », a déclaré Debra Granik.

Adoptant une structure classique dans sa construction narrative et l’élaboration des enjeux psychologiques et sociétaux, elle ne glisse pas pour autant sur la pente académique d’un certain cinéma indépendant, et témoigne d’une réelle originalité et de sens plastique, notamment dans l’utilisation des paysages de l’Oregon : on retiendra surtout les scènes dans lesquelles Will apprend à sa fille les rudiments de l’existence dans une réserve, de la construction d’un feu à la cueillette de champignons, en passant par la course dans les bois sans « laisser de traces ». Bien épaulée par son chef opérateur Michael McDonough, la réalisatrice donne alors à son film une teinte de « survival documentaire » qui n’a rien à envier à Seul au monde de Robert Zemeckis ou Arctic de Joe Penna, et contribue à la réussite du métrage. Il n’est pas superflu d’ajouter que les deux interprètes irradient l’écran : Thomasin McKenzie est une révélation, et Ben Foster prouve après Comancheria qu’il a l’étoffe des plus grands.

Avoir Alire

Vu en famille sur le canapé en VOD un dimanche après-midi après une petite balade dans les bois.

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